Les assureurs doivent ils craindre le Brexit ?
Le 23 juin prochain, Bruxelles retiendra son souffle.
Ce jour-là, les citoyens Britanniques devront se prononcer, lors d’un référendum, sur le maintien du Royaume Uni au sein de l’Union Européenne.
A l’heure où j’écris ces lignes, le risque de voir un vote en faveur de la sortie de l’UE l’emporter est jugé relativement sérieux. Si le « leave » sortait gagnant des urnes, cela plongerait évidemment le projet européen dans la plus grande crise de son histoire. Avec la sortie du Royaume Uni, c’est la deuxième puissance économique européenne et la cinquième mondiale (devant la France) qui quitterait l’Union.
Dans le secteur financier, le scénario du Brexit suscite beaucoup de discussions et à Londres, la City apparaît divisée sur la question européenne.
Qu’en est-il exactement dans le secteur de l’assurance ?
Pour les assureurs anglais, une sortie de l’UE marquerait la fin d’un accès sans contrainte au premier marché mondial de l’assurance et à ses 500 millions d’habitants. Aujourd’hui, les compagnies anglaises bénéficient d’un passeport européen leur permettant d’atteindre les consommateurs des 27 autres marchés et d’y établir des succursales, ou d’y proposer leurs contrats à distance, en Libre Prestation de Service (LPS).
On estime que les assureurs du Royaume Uni émettent ainsi pour environ 6 milliards d’euros de primes sur le marché européen, ce qui est considérable.
Sur le seul marché Français, on ne compte pas moins de 26 succursales de sociétés d’assurance du Royaume Uni et 221 autorisations d’agir par LPS leur ont été délivrées. Une sortie de l’Union Européenne, à moins qu’un accord spécifique ne soit trouvé au moment du « divorce », signifierait que les compagnies anglaises ne pourraient plus bénéficier du régime de reconnaissance mutuelle et devraient, soit fermer leurs succursales, soit les transformer en filiales. Cette dernière option, permettant la continuité des affaires, imposerait de doter chaque implantation en capital pour les montants réglementaires locaux et engendrerait d’inévitables coûts par rapport à la situation actuelle.
Bien évidemment, la réciproque s’imposerait pour les assureurs européens, qui perdraient les avantages actuels de leur accès au marché anglais.
Du coté des assurés et des intermédiaires de l’UE , cela impliquerait également au moins à court terme, le tarissement d’une source de capacité d’assurance notamment sur les grands risques et les risques spéciaux, le marché de Londres offrant sur ces segments des couvertures inégalées.
Dans le débat actuel, c’est bien entendu la question de la réglementation européenne qui focalise les prises de position les plus marquées entre les « pour » et les « contre » tant il est vrai qu’elle s’est particulièrement renforcée à l’endroit des assureurs et des intermédiaires ces dernières années.
Les partisans du maintien estiment qu’en se plaçant dans un système harmonisé de règles au sein de l’Union Européenne, le Royaume-Uni joue le rôle de porte d’entrée vers l’Europe pour des capitaux en provenance d’Etats tiers, notamment des Etats Unis. Un retrait de l’Union entraînerait la perte de cet avantage.
Les promoteurs du retrait font valoir, au contraire, que les règles européennes, notamment Solvabilité 2, constituent un handicap pour l’assurance anglaise qui gagnerait en compétitivité si elle pouvait s’en affranchir. Ils prennent pour exemple les assureurs et réassureurs suisses qui jouissent de relations commerciales avec l’UE sans pour autant en supporter les contraintes réglementaires.
La date du vote approchant, c’est le maintien dans l’Union qui semble rassembler le plus de suffrages dans la communauté financière britannique, bien que l’on accorde à reconnaître que le résultat pourrait être serré.
En bons gestionnaires de risques, les assureurs londoniens ont donc travaillé sur tous les scénarios possibles et la plupart des compagnies ont mis au point des plans de contingence, en entendant l’issue du scrutin.