Le devoir de conseil de l’intermédiaire d’assurance : une exigence en Europe

Alors que les agents et courtiers européens vont bientôt voir le cadre d’exercice de leurs activités renforcé en raison de l’adoption de la nouvelle Directive sur la Distribution d’Assurance ou DDA (1), qu’en est-il de leur responsabilité civile professionnelle en Europe ?

Cette ques­tion consti­tue le thème cen­tral de la troi­sième édi­tion de l’Observatoire Euro­péen des Inter­mé­diaires en Assu­rance de CGPA Europe.

L’assurance de res­pon­sa­bi­li­té civile pro­fes­sion­nelle des inter­mé­diaires se situe à un car­re­four : elle a été ren­due obli­ga­toire en Europe pour tous les inter­mé­diaires d’assurance par la direc­tive DIA de 2002 ; pour autant, sa mise en œuvre dans chaque pays est for­te­ment influen­cée par les par­ti­cu­la­ri­tés locales et les sys­tèmes judi­ciaires natio­naux, les­quels sont loin d’être harmonisés.

Ain­si, au Royaume Uni et en Irlande, les cour­tiers sont sou­mis depuis plu­sieurs années à une juris­pru­dence rigou­reuse. Face à un refus de prise en charge d’un sinistre par l’assureur, les assu­rés n’hésitent pas à mettre en cause leur cour­tier sur le fon­de­ment du devoir de conseil (« duty of care »). La sévé­ri­té des juges allant de pair avec une règle­men­ta­tion four­nie et récem­ment ren­for­cée en rai­son de la crise finan­cière, ont ain­si ren­du le cour­tage anglais par­ti­cu­liè­re­ment expo­sé ces der­nières années. La situa­tion tend tou­te­fois à s’améliorer du fait notam­ment de la pro­fes­sion­na­li­sa­tion des réseaux.

Les mar­chés « conti­nen­taux » connaissent une situa­tion plus contrastée.

En Ita­lie, les mises en cause d’intermédiaires se concentrent encore sur les erreurs maté­rielles com­mises à l’occasion de l’émission d’une police, d’un règle­ment de sinistre ou de la col­lecte des primes. Cepen­dant, à la faveur de déci­sions ren­dues ces cinq der­nières années, un cou­rant fon­dé sur le devoir de conseil (« l’adeguatezza ») semble émer­ger, et d’après les don­nées dis­po­nibles, concerne déjà envi­ron 20% des affaires de RC Professionnelle.

Comme bien sou­vent, le mar­ché Fran­çais se situe entre ces deux extrêmes. Avant même l’entrée en vigueur de la direc­tive de 2002, les tri­bu­naux avaient déjà éta­bli une solide juris­pru­dence recon­nais­sant à l’intermédiaire une obli­ga­tion de conseil dont il lui appar­tient de rap­por­ter la preuve lors de sa mise en cause. De fait, ce motif consti­tue aujourd’hui près de 70% des mises en cause sur le mar­ché Fran­çais et a connu une pro­gres­sion impor­tante au cours des 20 der­nières années.

Autre mar­ché majeur, l’Allemagne a long­temps consti­tué une excep­tion en la matière : les cas de mises en cause de cour­tiers ou d’agents y étaient jusqu’à peu assez rares. Cela tenait beau­coup à des fac­teurs struc­tu­rels et cultu­rels. Mais là aus­si des déci­sions de jus­tice récentes ont enga­gé la res­pon­sa­bi­li­té civile pro­fes­sion­nelle de cour­tiers sur le fon­de­ment d’un man­que­ment à leur obli­ga­tion de conseil. Les juges alle­mands ont, pour ce faire, uti­li­sé des moti­va­tions très proches des déci­sions fran­çaises ou anglaises.

Des ten­dances simi­laires sont consta­tées sur les mar­chés Belges et Espagnols.

On assiste par consé­quent à un début de conso­li­da­tion des condi­tions de mise en cause des cour­tiers ou des agents en Europe autour de la notion de conseil adéquat.

Selon la matu­ri­té des mar­chés ou les cultures locales les exi­gences sont plus ou moins mar­quées, mais la ten­dance est la même par­tout, avec un nombre de mises en cause en augmentation.

Les nou­velles obli­ga­tions issues du cadre régle­men­taire posé par la DDA seront à n’en pas dou­ter, un ali­ment sup­plé­men­taire de ce mou­ve­ment, visant à foca­li­ser l’attention du régu­la­teur et des juges moins sur le pro­duit d’assurance lui-même que sur la façon dont il est vendu.

(1) DIRECTIVE (UE) 2016/97 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 20 jan­vier 2016 sur la dis­tri­bu­tion d’assurances