DIRECTIVE SUR LA DISTRIBUTION D’ASSURANCES – MARCHÉ FRANÇAIS
DIRECTIVE SUR LA DISTRIBUTION D’ASSURANCES :
QUELS IMPACTS AU LENDEMAIN DE LA VAGUE NORMATIVE ? L’AVIS DE NOS AVOCATS EUROPEENS
Jean-François Salphati (Salphati avocats) et Agnès Goldmic (Burguburu Blamoutier Charvet Gardel Associé) retracent les points saillants de la transposition de la Directive sur la Distribution d’Assurance en France, et leur impact sur les intermédiaires.
Quels sont les points saillants de la transposition de la DDA dans votre pays ?
C’est pour la première fois que l’on a réellement une certaine cohérence dans les textes.
Cohérence qui provient d’une nouvelle définition : celle de la distribution d’assurance, qui intègre non seulement les intermédiaires (agents, courtiers, mandataires, etc.), mais également les compagnies d’assurance. Une chaîne de responsabilité va ainsi se mettre en place depuis le concepteur du produit d’assurance jusqu’au client final, et chacun aura des responsabilités personnelles dont il devra répondre.
En effet, dans le contentieux que l’on connaît aujourd’hui, c’est souvent l’intermédiaire qui est mis en cause. Les compagnies également, mais uniquement sur le jeu du contrat, et non sur leur responsabilité de créateur. C’est le premier point saillant.
Le deuxième est que l’on a l’impression que l’Europe s’est un peu adaptée : désormais, il y a des gradations au sein même l’obligation de conseil. Ainsi, il y a un premier type de conseil, effectivement adapté aux besoins du client. Puis il y a une deuxième gradation, consistant pour l’intermédiaire à dire au client : « je vous donne un conseil adapté à votre situation personnelle ». Et enfin un troisième stade qui consiste à dire : « je vais étudier un grand nombre de contrats d’assurance sur le marché et vous expliquer pourquoi celui-ci est le plus adapté à vos besoins par rapport aux autres ».
Le troisième point saillant est que le suivi de ces contrats est maintenant mis en exergue, au même titre que la souscription. Les intermédiaires devront désormais systématiquement vérifier que les contrats soient bien adaptés à la situation du client tout au long de la vie du contrat d’assurance.
L’un dans l’autre, il y a beaucoup de réformes, les intermédiaires devront s’y adapter, et cela est assez positif dans son ensemble.
De nouvelles catégories d’intermédiaires ont-elles vu le jour depuis l’entrée en vigueur de DDA ?
Il y a eu des précisions sur certains types d’intermédiaires, sur le fait que l’on puisse vendre ou proposer de l’assurance à titre accessoire, mais cela était déjà prévu dans les textes de loi précédents, et je ne pense pas que de nouveaux intermédiaires apparaitront.
De toute manière, je pense qu’il y en a déjà suffisamment en nombre pour ne pas en créer de nouveaux !
Ces changements sont-ils positifs pour la RC pro des intermédiaires, ou synonymes de nouveaux risques de mise en causes selon vous ?
Ces changements sont positifs selon moi pour les intermédiaires et il ne faut pas mettre en contradiction le côté positif avec d’éventuelles mises en causes, puisque chaque création d’obligation crée son corollaire : des mises en cause de nouvelles responsabilités verront le jour, c’est une évidence.
Pourquoi positif ? Positif pour les intermédiaires puisque nous sommes passés de la notion d’intermédiation à celle de distribution. Pour la première fois tous les intervenants sont dans la même boucle : tant pour l’agent que pour le courtier, c’est une sécurité de traçabilité du conseil donné. L’intermédiaire peut également se retourner contre la compagnie qui est le concepteur/distributeur des contrats d’assurance.
La première difficulté est la mise en pratique par les agents généraux — mais surtout par les petits cabinets de courtage — de leurs obligations. Elles peuvent en effet être lourdes administrativement parlant, ainsi qu’en termes de temps, de personnel et donc de coût.
Le deuxième « bémol » est que nous n’avons pas de visibilité sur l’interprétation que feront les tribunaux et l’Autorité de contrôle de ces nouvelles obligations : nous ne savons pas encore comment la jurisprudence statuera, bien que le Considérant 72 de la Directive ait pris soin de préciser qu’il ne faut pas que sa mise en place soit trop lourde pour les petits cabinets de courtage et les structures de moyennes tailles.
Les intermédiaires sont-ils prêts à mettre ces changements en pratique ?
Pour les grands cabinets de courtage, il n’y a pas de difficulté puisqu’ils ont les moyens que les petits n’ont pas. Pour les petites structures, cela sera compliqué dans un premier temps, mais je pense que c’est pour un avenir meilleur puisqu’ils exercent une profession technique avec une vraie plus-value. Ils vont ainsi pouvoir prouver à tous les stades qu’ils ont correctement rempli leur mission. Par ailleurs, la Directive précise en son considérant 73 qu’un point sera effectué dans 5 ans à compter de la mise en place de ces nouvelles règles : rendez-vous donc dans 5 ans pour voir comment cela aura évolué !