VERS UN PRODUIT D’EPARGNE RETRAITE PANEUROPEEN
Le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 20 juin 2019 le règlement relatif au produit paneuropéen d’épargne retraite (PEPP – Pan-European Personal Pension Product), qui a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 25 juillet 2019. Ce projet est l’aboutissement d’une longue réflexion motivée par le besoin de secourir les déficits croissants des régimes publics nationaux. Ce faisant, il vient concrétiser le premier produit financier véritablement européen, offrant en outre de nouvelles perspectives de distribution pour les intermédiaires d’assurance et financiers. Selon la Commission, les premiers PEPP devraient être commercialisés vers le milieu ou la fin de l’année 2021.
UN PRODUIT RETRAITE COMPLEMENTAIRE
2 000 milliards d’euros. Ce chiffre représente le déficit estimé des régimes nationaux de retraites en Europe à l’horizon 2057, pour maintenir les montants de rentes équivalents à ceux actuellement servis. C’est une évidence, le vieillissement de la population, l’augmentation du chômage et l’allongement de la durée de vie concourent à la fragilisation des systèmes actuels de retraites nationaux. Les taux de remplacement moyens, c’est-à-dire le pourcentage du revenu d’activité touché par les retraités européens oscille entre 40 et 90 % selon les pays (70 % en France). Il devrait baisser d’au moins 10 % dans les 40 prochaines années. C’est en vue d’offrir aux populations actives un moyen de se constituer un complément de retraites, que le règlement sur le produit d’épargne retraire paneuropéen (PEPP) a été publié l’été dernier au Journal Officiel de l’Union Européenne, instaurant un cadre règlementaire pour ce produit financier commun à tous les Etats Membres.
AGREMENT UNIQUE, SIMPLICITE ET STANDARDISATION.
Le « Pan-European Personal Pension Product » (PEPP) tel que proposé par Bruxelles se veut simple, standardisé et sécurisé. Le PEPP est un produit d’épargne complémentaire aux systèmes de retraites nationaux, il ne les remplace pas. Il se présente sous la forme d’un produit financier standardisé, doté de caractéristiques identiques dans tous les Etats Membres. Il offre une période dite d’accumulation au moyen de versements réguliers puis, une fois l’âge de la retraite atteint, d’une sortie en rente ou en capital au choix de l’épargnant.
Par défaut, le PEPP proposera une option simple d’investissement conférant une garantie sur le capital investi. Le titulaire aura toutefois la possibilité de diversifier ses investissements vers des supports plus dynamiques. Il sera ouvert à tous types d’émetteurs, banques, compagnies d’assurance ou sociétés de gestion d’actifs sur la base d’une autorisation délivrée directement par l’EIOPA, l’autorité européenne de surveillance du secteur. On notera au passage que ce label unique et européen vient conférer à l’EIOPA un nouveau pouvoir d’agrément, jusqu’alors réservé aux seuls régulateurs nationaux.
“Avec le PEPP en place, nous estimons que le marché européen des produits d’épargne-retraite individuelle pourrait tripler d’ici 2030. Cela représente environ 700 milliards d’euros aujourd’hui et 2,1 milliards d’euros en 2030. Et c’est le double de la croissance prévue sans les PEPP.”[1]
C’est notamment dans ce cadre que le 2 décembre dernier, l’EIOPA a lancé une consultation publique sur les principaux aspects du dispositif, permettant aux parties prenantes de faire part de leurs observations jusqu’au 2 mars 2020. En effet, l’EIOPA a jusqu’au 15 août 2020 pour soumettre à la Commission européenne des projets de normes techniques relatives au contenu, à la remise et à la révision du document d’information clé du PEPP.
UN PRODUIT TRANSFERABLE ET « PORTABLE »
Actuellement, en cas de mobilité professionnelle entre deux pays de l’Espace Economique Européen, il n’existe pas de système de portabilité. Pour remédier à cette lacune, le PEPP sera attaché à son titulaire et « portable », afin de le suivre sans difficulté lors d’éventuels déménagements dans un autre Etat Membre où il pourra continuer de l’alimenter.
Moyennant un coût plafonné, le PEPP sera également transférable d’un établissement émetteur à un autre sans perdre les bénéfices d’antériorité. La distribution du PEPP se veut également la plus large possible et pourra être assurée par les intermédiaires d’assurance ou financiers européens, dans le cadre des dispositions d’information et de transparence des directives DDA et MIFID II. La Commission a toutefois prévu que la totalité des échanges et la documentation soient assurées de manière électronique.
Remarque : Le marché de l’épargne retraite est fragmenté au sein de l’Union Européenne, voire quasi-inexistant au sein de certains Etats-Membres. En effet, selon la Commission, seuls 27 % des Européens âgés de 25 à 59 ans auraient souscrit à une épargne-retraite. |
LA FISCALITE EN QUESTION
Il lui restera toutefois à surmonter un obstacle de taille : à défaut d’harmonisation fiscale entre les 28, le traitement réservé aux versements effectués ou aux rentes servies pourrait diverger selon les Etats Membres et venir fortement réduire l’intérêt du PEPP.
La Commission, consciente de l’écueil mais sans réel pouvoir sur ce sujet régalien, a donc encouragé les Etats à faire bénéficier le PEPP d’un traitement fiscal identique à celui de ses produits nationaux, et à lui appliquer ses propres dispositions réglementaires en matière d’épargne retraite individuelle.
LE PEPP : QUELS AVANTAGES ?
- Favoriser la concurrence au sein du marché unique, et ainsi permettre aux épargnants d’effectuer un choix au sein d’un large panel de fournisseurs au sein de l’Union Européenne. Parallèlement, cela permettra à ces derniers de toucher un plus large public, puisqu’ils auront la possibilité de vendre des PEPP dans plusieurs Etats Membres ;
- Accroitre la notion de libre circulation : un seul et même produit pourra par ce biais être distribué partout en Europe sans pour autant impliquer un changement de fournisseur pour les citoyens européens (si une personne change de résidence habituelle, elle continuera à contribuer au même PEPP) ;
- Des frais de contrat limités à 1 % du capital accumulé ;
- La possibilité de changer de fournisseur avec des couts de transfert plafonnés ;
- Un consommateur informé et protégé : les fournisseurs devront informer les consommateurs des principales caractéristiques du PEPP.
QUELS OBSTACLES ?
- Le fournisseur de PEPP devra s’adapter aux environnements fiscaux et réglementaires des Etats Membres dans lesquels il proposera des compartiments à ses clients ;
- Les fournisseurs, mais aussi et surtout les régulateurs locaux pourraient y voir une forme de concurrence extraterritoriale, ce qui ne permettrait pas au PEPP de concurrencer les produits locaux.
[1] Discours du Vice-Président de la Commission, M. Valdis Dombrovskis, lors de la conférence des pays baltes et nordiques, 23 avril 2019 : “Impact des PEPP sur les marchés des capitaux de l’UE et sur les revenus des pensions viables”